LA COUR DE CASSATION A RENDU SON ARRET LE 13 JANVIER 2015 (consultable sur le site de la Cour de Cassation)
Ce qu’il faut bien comprendre de cet arrêt : 1°/ La cour de cassation a retenu, parmi les multiples arguments présentés par la défense de Total, l’un d’entre eux mettant en cause l’impartialité objective de l’un des juges de la cour d’appel Madame le MEN REGNIER du fait de ses fonctions dans une association d’aide aux victimes financée par le Ministère de la Justice, l’INAVEM. La qualité de vice-présidente de cette Association de cette magistrate était connue de sa hiérarchie, qui n’y avait pas vu, à l’époque, de problème. 2°/ La décision de la cour de cassation repose essentiellement sur une question de forme tenant à la composition de la Cour d’appel. Un autre argument a été retenu, de moindre importance, tenant à la qualification de la faute pour le seul délit de destruction ou dégradation involontaire de biens appartenant à autrui. La tenue de ce 3ème procès à Paris pénalise par sa situation et pour d’autres nombreuses raisons les victimes et leurs associations. Néanmoins en contrepartie la prochaine cour de justice dans les audiences et ses jugements, aura en mémoire tout le travail réalisé au cours des procès de Toulouse tant en première instance qu’en appel. Cette considération peut permettre aux victimes d’appréhender ce 3ème procès avec une sérénité mesurée. Soulignons-le : le Tribunal Correctionnel comme la Cour d’Appel ont mis en évidence la volonté de la Commission d’Enquête Interne de Total, du Groupe, et du directeur de l’usine de cacher aux autorités de police, de justice, de tutelle administrative des informations capitales dont ils disposaient dès les premiers jours de l’explosion ; qui étaient susceptibles de permettre de déterminer la cause réelle du sinistre, le mélange de produits chimiques divers réactifs entre eux. Le nouveau procès s’ouvrira donc sur cette réalité, que nous avons contribué à démontrer notamment par notre plainte pour
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24 septembre 2012 à la Cour d’Appel de Toulouse, le verdict de l’affaire AZF “tombe”: responsabilité pénale de la filiale de TOTAL et du Directeur du site industriel, condamné à 3 ans d’emprisonnement dont 1 an ferme. Sans attendre la fin de la lecture, les avocats de la défense jettent rageusement leurs robes sur les tables, et annonceront, une fois sortis de la salle d’audience, qu’ils forment un pourvoi en cassation. Mais alors quel est l’enjeu réel de cette affaire, une fois que l’on sait que “TOTAL a payé”, et qu’il n’y plus de conséquences directement financières à ce verdict? Si le groupe TOTAL veut continuer ce procès, c’est parce qu’il n’est pas d’accord sur la cause de l’explosion telle que décrite par l’Arrêt. Mais pourquoi? Puisqu’il n’a pas d’explication alternative à proposer. On sait que ce n’est pas un arc électrique venant de l’entreprise SNPE, thèse très activée par la défense surtout dans les premiers temps qui ont suivi l’explosion. On sait que ce n’est pas ce pauvre Hassan Jandoubi, dont les 3 sous vêtements avaient beaucoup alimenté les commentaires, et qui, selon les termes de la Cour: “ est décédé à son poste de travail, a toujours été et restera à jamais, et uniquement, une victime de l'explosion.” Alors, racontons l’histoire, celle que nous devons connaître, car c’est la nôtre, Un salarié d’un sous traitant était seul chargé du nettoyage d’une usine SEVESO Chargé du recyclage des sacs de produits chimiques dans l’usine, qu’il devait collecter et regrouper dans un hangar dit 335, il devait agir seul, et s’organiser sans réel encadrement ni directive de la Société Grande Paroisse. Son employeur, la Sté SURCA, n’était pratiquement jamais venue sur le site. C’est dans ce contexte que quelques jours avant l’explosion, le 19 Septembre 2001, l’employé sous traitant se trouve en face d’une quantité plus importante que d’habitude de résidus de secouage de fonds de sacs de produits chimiques, et qu’il décide de les pelleter dans une benne et d’aller en déverser le contenu à l’autre bout de l’usine, sur un tas de stockage de nitrates déclassés dans un hangar dit 221. Quelques instants après, le hangar explose, entraînant la destruction de l’usine, d’une partie de la ville de Toulouse: 31 morts, des milliers de blessés. Cependant, pendant plusieurs jours, ils vont opérer seuls et à l’insu de la police, et modifier ainsi l’état des lieux de telle sorte qu’un certain nombre de constatations s’avèreront impossibles quand la police se rendra à son tour au hangar 335. Ainsi, c’est ce mélange explosif qui, déversé dans le hangar dit 221, sert de détonateur, et fait exploser les 500 tonnes de nitrate qui y étaient entreposées. Alors, à qui la faute? A la sous-traitance d’abord, et c’est peut être là le nerf de la guerre, la preuve, pour ceux qui s’intéressent à la sécurité dans les sites industriels et les usines nucléaires également, que la sous-traitance, par la dilution de l’information, de la formation, de l’implication des hommes dans une équipe, par la précarité de son statut, est facteur de risques accrus. On sait que cette question est fortement débattue entre les syndicats, le patronat et les acteurs de la sécurité. L’enjeu est de taille, pour la sécurité d’une part, pour l’économie aussi, et on sait que souvent ces 2 enjeux s’opposent. Les entreprises font de fortes économies en ayant recours à la sous-traitance; les études montrent par ailleurs qu’elle est un facteur de risques d’accidents du travail accru, et aujourd’hui l’affaire AZF en est une illustration magistrale: Veut on voir demain le même type de motivation dans une décision relative à une centrale nucléaire, dans une autre usine SEVESO, dans une raffinerie? Le Groupe TOTAL a-t-il tiré les leçons de cette catastrophe pour faire ce que l’on appelle un retour d’expérience dans les autres sites SEVESO qui lui appartiennent ? Voilà sans doute le secret bien gardé de l’affaire AZF, la raison pour laquelle il fallait faire front, et faire d’abord passer l’idée selon laquelle la cause resterait inconnue.
Vous pouvez télécharger le jugement du Tribunal Correctionnel pour prendre connaissance de la décision de première instance (PDF 1,3 Mo). De même, l'arrêt de la cour d'appel est à votre disposition (PDF 4 Mo). Enfin, vous pouvez également télécharger le dossier établi par l’Association Familles Endeuillées, qui fait la synthèse, en 10 ponts clés, des éléments de cette affaire :
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